Le Ministre de l’économie et des finances Romuald WADAGNI a marqué les esprits mercredi dernier alors qu’il prenait part, sur invitation de son homologue français, au Forum de Paris sur le financement du développement. Cette rencontre sur le financement du développement a été organisé par la France et le Japon (qui assure actuellement la présidence du G20). Il avait pour thème : « Comment assurer le financement durable du développement? » C’est donc dans ce cadre que le Ministre béninois de l’Economie et des Finances a été invité à présenter au monde la stratégie proactive, prudente, responsable et innovante de la gestion du financement de son programme de développement, le PAG Bénin Révélé. Devant ses pairs du G20 et de 20 autres pays en développement, le FMI, la Banque Mondiale, des banques, l’OCDE, la CNUCED des universitaires…, le Ministre Romuald Wadagni a présenté les résultats de la vision du Président Talon et de son Gouvernement pour le développement durable du Bénin. A l’ouverture desdites assises, Bruno Lemaire, Ministre de l’Economie et des Finances français, Taro Aso Vice premier Ministre en charge des Finances du Japon et Christine Lagarde Directeur Générale du FMI, ont respectivement dit leur mot introductif. Ensuite, s’ouvre le panel principal sur le thème : « Pour un financement vertueux du développement ». Le panel constitué pour partager les analyses et expériences sur le sujet était composé de deux Ministre s des Finances Olaf Scholz et Romuald WADAGNI respectivement Ministre des Finances de la République Fédérale d’Allemagne et du Bénin, du Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria et Axel Weber Universitaire et président du Conseil d’administration UBS Group AG et de Victor Mallet du Financial Times. Wadagni parle de la dette face au financement du développement Après avoir planté le décor du sujet à l’ordre du jour, le journaliste modérateur du panel pose au Ministre béninois la question de savoir comment voit-il le sujet de la dette face au financement du développement en tant qu’emprunteur souverain et surtout en sa qualité de Ministre des Finances ayant réalisé la première émission d’eurobond de l’histoire du Bénin. Pour répondre, Romuald Wadagni fait d’abord deux observations. Il note avec grande satisfaction, qu’il y a une prise de conscience générale sur le risque lié à l’endettement et par rapport à ce qu’on a pu noter par le passé, toutes les parties prenantes de la communauté internationale sont impliquées dans les réflexions sur les mécanismes et les coopérations à mettre en place pour anticiper et mieux préparer les réponses à apporter. Dans un second temps, le Ministre Wadagni fait constater l’émergence d’une nouvelle position commune sur la dette. Selon lui, tous les acteurs reconnaissent à l’unanimité que la dette en soit n’est pas quelque chose de mauvais. Sur ce point, Romuald Wadagni a tenu à mettre en exergue trois fondamentaux qui selon lui doivent être pris en compte pour s’assurer que toute dette soit au service d’un développement stable et durable : la nécessité pour les pays de travailler vers l’atteinte des ODD (Objectifs de Développement durable); l’obligation d’intégrer dans chaque financement d’investissements, les risques liés au changement climatique et l’assurance de ce que le cadre des financements, des actions et des investissements sont orientés vers la prévention des risques sécuritaires. En somme, le Ministre des finances du Benin salue le fait que, la position face à l’accroissement de la dette n’est plus de dire qu’il faut arrêter tous les financements mais d’observer et d’analyser , le rythme d’accroissement de la dette afin de s’assurer que l’endettement est destiné au financement de projets d’investissements orientés vers l’atteinte des ODD avec une prise en compte claire des risques sécuritaires et ceux liés au changement climatique. En ce qui concerne de façon spécifique le point de vue de l’emprunteur souverain face à la dette, le Ministre pense qu’il y a trois éléments sur lesquels il faut travailler. La première commence par la capacité des états à mobiliser des ressources propres, des ressources internes (cette idée a été fortement appuyée par Mme Christine Lagarde). En effet, selon lui, quand l’on observe aujourd’hui les pays qui sont identifiés comme ayant un niveau de risque de défaut élevé, il y a une corrélation directe entre le niveau de risque de vulnérabilité et le niveau de modernisation, et / ou de modernité de leurs administrations (les administrations douanière et fiscale en particulier). Cela signifie que plus vous avez un pays où l’administration n’est pas proactive, forte, moderne ; plus il y a un risque d’aller vers une crise de la dette. Il est donc important d’identifier et mettre en œuvre les réformes visant à moderniser l’administration, afin de sécuriser et accroître les ressources internes? Donnant l’exemple du Benin, Romuald Wadagni a partagé, avec ses pairs et autres acteurs du financement international, plusieurs initiatives en cours, visant la modernisation de l’administration mais également des initiatives assez originales sur la collecte de la TVA et autres ressources internes qui ont a permis d’augmenter de 300 points de base le ratio de recettes fiscales sur PIB en deux (02) ans. Le deuxième facteur est la transparence budgétaire. Aux dires du Ministre, elle concerne tant les Etats emprunteurs que les institutions prêteuses. Tout le monde doit jouer le rôle de la transparence. <<Du point de vue de l’emprunteur, elle passe par des règles budgétaires claires permettant de s’assurer (et c’est ce qui se fait au Bénin), que chaque année l’accroissement de la dette soit dans le meilleur des cas, inférieur au niveau des investissements. Dans un cycle où chaque année la dette croît beaucoup plus vite que les investissements qui sont réalisés, il y a donc un problème. Ce serait la preuve qu’une telle dette sert au financement du fonctionnement et autres dépenses générales de l’Etat>>, clarifie le Ministre des finances. Pour ce qui est de la diversité des prêteurs et des mécanismes d’accès aux financements impliquant parfois des garanties utilisées par des sociétés d’Etat, le Ministre précise qu’il faut également une transparence sur tous les contrats, toutes ces garanties qui pourraient se transformer en dette à la fiche lourde. <<La transparence est également nécessaire sur la passation des marchés afin d’éviter des surfacturations de projet>>, a-t-il souligné prenant l’exemple d’une dette de un dollar destinée à la construction d’une infrastructure dans un contexte où il n’y a pas des règles claires de transparence en terme de passation des marchés. Le conférencier conclut à cet effet qu’il peut avoir plusieurs risques tels la passation du marché à un prix surévalué, la mauvaise qualité de l’investissement parce que dépourvu de compétition… Enfin, Romuald Wadagni s’est intéressé à la gestion proactive de dette. Selon le Ministre , il est de la responsabilité des acteurs, de veiller à la mise en place d’une gestion dynamique et d’anticipation des risques de défauts. Sur cette question, Romuald Wadagni a rappelé l’opération innovante réalisée par le Bénin grâce à l’appui de la Banque mondiale en utilisant ses lignes IDA sous forme de garantie partielle pour lever un nouveau financement ayant servi au reprofilage de la dette de sorte à en réduire considérablement le service.