Le ministre béninois de l’économie et des finances Romuald WADAGNI sur Rfi ce mercredi 19 mai 2021, interrogé par Christophe BOISBOUVIER. Au menu, la rencontre de Paris, la solidarité financière internationale au profit des pays en développement, la dette, la soutenabilité de cette dette, la nécessaire bonne gouvernance. Lisez l’intégralité de l’entretien du représentant de Patrice TALON au Sommet sur le financement des économies africaines. Les participants au sommet de Paris ont exprimé le souhait que le Fonds monétaire international (FMI) débloque quelque 100 milliards de dollars pour l’Afrique sous forme de Droit de Tirages Spéciaux (DTS). Mais est-ce que ce n’est pas un vœu pieu ? Non. Pour nous il ne s’agit pas d’un voeu pieu parce qu’en réalité, cette proposition d’avoir des ressources nouvelles est celle que le Bénin par la voix du Président Patrice TALON a défendu dès avril 2020 lorsqu’il a envoyé une note à l’ensemble des dirigeants du G20 ainsi qu’aux dirigeants des institutions internationales telle que le FMI proposant trois solutions dont la première étant l’utilisation de DTS pour fournir des ressources nouvelles à nos pays. Je rappelle également que le FondsMonétaire International estime que les besoins d’urgence pour l’Afrique d’ici 2025 s’élèvent à quelques 285 milliards de dollars. Donc, espérer 100 milliards sur un besoin de 285 n’est pas un vœu pieu puisque nous savons très bien que le montant prévu à être débloqué au titre des DTS aujourd’hui est de l’ordre de 650 milliards. Oui, mais il faut tout de même que les pays riches qui ont ces Droits de Tirages Spéciaux en priorité renoncent à leur quote part et acceptent de les réallouer à des pays africains par exemple. C’est là tout l’intérêt de la solidarité mondiale. Vous savez, la solidarité internationale se manifeste aujourd’hui par la capacité de ce qu’un pays de pouvoir donner leur quota de DTS à d’autres pays. Mais ce n’est pas gagné monsieur le Ministre. La France a dit oui mais les Etats-Unis n’ont pas encore dit oui, loin de là… C’est pas du tout gagner. Mais pour nous déjà, une partie de la bataille a été gagnée parce que, rappelez-vous encore, en avril 2020 quand le président Patrice TALON a demandé de réfléchir dans le sens d’attribution d’allocation nouvelle de DTS, on était les seuls, le Bénin était le seul à faire ça. Aujourd’hui qu’il y ait unanimité autour de cette position, c’est déjà une bonne nouvelle et nous sommes convaincu que les pays suivront la proposition française d’aller vers cette allocation Vous souhaitez que les Américains, les Japonais et tout le monde suivent quoi … Nous souhaitons qu’ils suivent. Et je rappelle que le Japon a participé au sommet tout à l’heure et n’a pas objecté dans ce plaidoyer Une prolongation du moratoire sur le remboursement de la dette jusqu’à la fin de l’année. Est-ce que c’est pour vous une bonne nouvelle ? Nous, nous sommes fidèles à notre position et je me réjouis que la déclaration finale que vous avez certainement reçue n’est pas lieu d’annulation des dettes ni de moratoire. Nous considérons que les questions de dettes pour des pays qui ont des situations particulières doivent se traiter au cas par cas ; mais ça change de solution pour l’Afrique en générale. Il y a des solutions que nous considérons qu’il faut privilégier, c’est celle de l’allocation de DTS. Donc pour le Bénin, un moratoire sur le remboursement de la dette n’est pas une priorité, c’est ça ? Pour le Bénin, le moratoire de la dette n’est pas une priorité, non. Et pourquoi, parce que vous souhaitez pouvoir être toujours crédible aux yeux des institutions financières qui peuvent prêter de l’argent ? Notre logique a toujours été de dire que quand on a acquis durement une crédibilité sur la place des marchés en période de crise, le premier réflexe c’est de s’assurer d’avoir les capacités d’honorer ses engagements. Et donc, toutes les solutions qui permettent au pays d’avoir des ressources nouvelles pour honorer les engagements doivent être privilégiées. C’est pourquoi nous nous réjouissons de l’initiative d’émission de DTS. Cela dit, il y a des pays qui ont des situations particulières et qui nécessitent de s’asseoir avec les prêteurs, les bailleurs pour renégocier, rééchelonner les dettes. Ces situations peuvent exister et nul ne saurait s’opposer à ces situations. Mais par principe, s’il est possible de trouver des solutions pour avoir de la trésorerie nouvelle, et être en mesure de toujours honorer ses engagements, il est préférable de partir dans cette direction parce que c’est la direction qui permet de préserver la signature, la crédibilité et la capacité à retourner sur le marché. C’était hier sur RFI, le ministre Français de l’économie, Bruno Le MAIRE a eu cette phrase : « pour régler la question du surendettement des pays africains il faut que les gens payent les impôts. Quand vous avez 60% de dette mais seulement 5% de recettes fiscales vous n’arrivez pas à rembourser cette dette », qu’en pensez-vous ? En matière d’endettement nous sommes d’accord que le premier point c’est de faire des efforts nécessaires pour accroître ses capacités de mobilisation de recettes internes. Et les réformes pour moderniser les régies, limiter la corruption, les déperditions sur la chaîne de collecte des recettes publiques, faire tous les efforts pour réduire le poids de l’informel et élargir la base fiscale. Çà, nos pays sont engagés dans ces différentes réformes et c’est plus nous encaissons, plus nous engrangeons de ressources propres, plus la capacité d’avoir accès au financement extérieur est grande. Maintenant, s’agissant de la dette, je pense que pour construire une route qui a une durée de vie de 30 ans à 40 ans il est impensable que l’on aille s’endetter à 5 voire 7 ans à des taux de 10%. C’est ce qu’on voit dans quelques pays. Parce que la pression de la population est là pour que l’investissement se réalise. Donc, il vaut mieux emprunter à 30 ou 40 ans ? Il vaut mieux aller emprunter long et rechercher des financements très longs A des taux plus faibles Vous avez beau avoir un investissement qui est nécessaire pour la population, si on masque cet investissement vous aurez une dette de mauvaise qualité qui pourrait poser des problèmes de soutenabilité. Le deuxième élément qui est fondamental c’est que j’arrive à mobiliser des ressources avec une cohérence entre la durée de l’investissement et du projet mais j’ai une mauvaise gouvernance dans l’exécution du projet et donc ça veut dire qu’il faut également continuer les efforts pour plus de transparence dans les procédures de passation de marché et dans toute la gouvernance qui entoure l’exécution des projets financés par les ressources Il ne faut pas que le projet coûte deux fois plus cher que prévu ? Absolument.